The Running Man, œuvre dystopique captivante écrite par Stephen King sous le pseudonyme de Richard Bachman, demeure l’un des romans les plus saisissants de la bibliographie du Maître de l’horreur. Publié en 1982, ce thriller haletant explore une société où la télévision et la déshumanisation du divertissement atteignent des sommets effrayants. Aujourd’hui, près de quatre décennies après sa publication, pourquoi ce récit continue de résonner avec force dans notre monde contemporain, et pourquoi il représente l’une des incursions les plus pertinentes de King dans le genre dystopique.
Plongée dans l’univers de « The Running Man »
The Running Man nous plonge dans un futur dystopique américain, où la société est profondément divisée entre riches et pauvres. Le protagoniste, Ben Richards, est un homme désespéré vivant dans la misère à Co-op City, quartier défavorisé séparé du monde des nantis par un canal. Chômeur et incapable de payer les médicaments pour soigner son bébé gravement malade, Richards se résout à participer à un jeu télévisé mortel pour gagner l’argent dont sa famille a désespérément besoin.
Le jeu en question, « La Grande Traque » (The Running Man), est une émission populaire où les participants doivent fuir pendant un mois, traqués par des « Chasseurs » professionnels dont la mission est de les éliminer. Si un concurrent survit pendant toute cette période, il remporte un prix considérable. Mais après six années d’existence, aucun candidat n’a jamais gagné. Cette prémisse glaçante sert de toile de fond à une critique acérée de la société de consommation, des médias de masse et du pouvoir des élites.
Ce qui rend The Running Man particulièrement remarquable, c’est sa nature prémonitoire. Écrit à une époque où la télé-réalité n’existait pas encore sous sa forme actuelle, le roman anticipait avec une précision troublante l’évolution de nos programmes télévisuels : retransmissions en direct, caméras omniprésentes et participation active des téléspectateurs. Stephen King, avec sa perspicacité habituelle, avait pressenti l’évolution de notre rapport au divertissement et à la célébrité.
Les thèmes principaux de « The Running Man » : une société sous surveillance
La critique sociale et l’inégalité économique
L’un des thèmes centraux de The Running Man est la dénonciation d’une société profondément inégalitaire. King dresse le portrait d’une Amérique divisée, où les plus démunis sont confinés dans des quartiers insalubres comme Co-op City, tandis que les élites vivent dans l’opulence, symbolisée par le Building des Jeux, imposant gratte-ciel dominant la ville.
Cette fracture sociale n’est pas simplement géographique mais également systémique. Les pauvres sont maintenus dans leur condition par un système qui les exploite et les divertit simultanément. Richards, comme tant d’autres, est poussé à risquer sa vie non par choix mais par nécessité absolue, illustrant parfaitement comment la précarité peut contraindre les individus à des actions désespérées.
La déshumanisation et la spectacularisation de la violence
King explore avec acuité la façon dont l’industrie du divertissement peut déshumaniser ses participants. Dans le monde de The Running Man, les candidats ne sont plus des personnes mais des instruments servant à faire grimper les audiences. Ils sont traités « comme des choses, sans humanité », réduits à leur valeur de divertissement.
Cette déshumanisation s’accompagne d’une spectacularisation de la violence qui rappelle les jeux du cirque romain. Le public, anesthésié par cette violence quotidienne, en redemande toujours plus. « La Grande Traque » attire le plus grand nombre de téléspectateurs précisément parce qu’elle met en scène une véritable chasse à l’homme. Cette fascination morbide pour la souffrance d’autrui constitue l’une des critiques les plus acerbes que King adresse à la société contemporaine.
La résistance individuelle face à l’oppression systémique
Au cœur de cette dystopie, King place un personnage qui, malgré sa participation au système qu’il abhorre, conserve une conscience critique et une volonté de résistance. Ben Richards n’est pas un héros conventionnel, mais un homme ordinaire poussé à l’extraordinaire par des circonstances extrêmes. Sa lutte personnelle devient peu à peu une forme de résistance politique.
Cette thématique de l’individu confronté à un système tout-puissant est récurrente dans l’œuvre de King, mais prend dans The Running Man une dimension particulièrement politique. Richards incarne la possibilité d’une résistance, aussi désespérée soit-elle, face à l’injustice institutionnalisée.
La télévision comme outil de contrôle social
Le Libertel : un écran de propagande obligatoire
Dans l’univers de The Running Man, King imagine le « Libertel », une télévision obligatoire dans tous les foyers. Cette obligation n’est pas anodine : elle transforme le médium en instrument de contrôle social parfait. L’ironie du nom « Libertel » (contraction de « liberté » et « télévision ») souligne la contradiction entre la prétendue liberté offerte par ce divertissement et l’asservissement qu’il engendre.
Le Libertel fonctionne comme un opium du peuple moderne, abreuvant les miséreux « de rêves qui les poussent à tenter leur chance aux jeux ». Cette dynamique rappelle ce que des théoriciens comme Pierre Bourdieu ont analysé concernant la télévision réelle : un outil capable de façonner les aspirations tout en détournant l’attention des problèmes structurels de la société.
Les jeux télévisés : une soupape de décompression sociale
Dans ce système dystopique, les jeux télévisés remplissent une fonction cruciale : ils offrent un espoir illusoire d’ascension sociale tout en canalisant les frustrations. Les habitants des quartiers pauvres « rêvent de passer de l’autre côté du canal », et les jeux leur font miroiter cette possibilité, détournant ainsi leur colère potentielle contre le système.
King montre brillamment comment le divertissement peut être utilisé comme instrument politique pour maintenir le statu quo. En offrant des récits de réussite exceptionnelle, ces émissions perpétuent le mythe de la méritocratie tout en masquant le caractère systémique des inégalités.
La complicité du public dans sa propre oppression
L’un des aspects les plus troublants de The Running Man est la façon dont King implique le public dans le système oppressif. Les téléspectateurs ne sont pas simplement des consommateurs passifs mais des participants actifs au spectacle de la déshumanisation. En regardant « La Grande Traque », ils deviennent complices du système qu’elle représente.
Ce mécanisme de complicité trouve un écho saisissant dans notre propre rapport aux médias et à la télé-réalité. Le roman nous invite à questionner notre consommation médiatique : sommes-nous, nous aussi, complices des systèmes que nous critiquons par ailleurs ? Cette question demeure d’une actualité brûlante à l’ère des réseaux sociaux et du divertissement omniprésent.
Richard Bachman : l’alter ego littéraire de Stephen King
Les origines d’un pseudonyme révélateur
Le choix de Stephen King de publier The Running Man sous le pseudonyme de Richard Bachman n’est pas anodin et mérite qu’on s’y attarde. Adopté dès 1977 pour la publication du roman Rage, ce pseudonyme a permis à King de contourner les limitations éditoriales de son époque. En effet, dans les années 1970-1980, les éditeurs considéraient généralement qu’un auteur ne devait pas publier plus d’un livre par an, estimant qu’une production plus abondante serait mal perçue par le public.
King a convaincu son éditeur, Signet Books, d’imprimer ces romans sous un autre nom. Le pseudonyme initialement choisi était Gus Pillsbury, du nom de son grand-père maternel, mais King l’a changé au dernier moment pour Richard Bachman. Le prénom « Richard » est un hommage à Richard Stark, pseudonyme utilisé par l’auteur de romans policiers Donald E. Westlake.
L’expérience « talent contre chance »
Au-delà des considérations éditoriales, King a révélé dans son introduction à The Bachman Books que l’adoption de ce pseudonyme était également une tentative de comprendre sa propre carrière et de répondre à la question : son succès était-il dû au talent ou à la chance ? Pour tester cette hypothèse, il a délibérément publié les romans de Bachman avec un minimum de marketing et a fait tout son possible pour « charger les dés contre » son alter ego.
Le résultat fut révélateur : le roman de Bachman intitulé Thinner (1984) s’est vendu à 28 000 exemplaires lors de sa sortie initiale, puis à dix fois plus lorsqu’il a été révélé que Bachman était en réalité King. Cette expérience, bien qu’interrompue prématurément par la révélation de la véritable identité de Bachman en 1985, offre un fascinant aperçu des mécanismes de la célébrité littéraire et de l’influence du nom d’un auteur sur la réception de son œuvre.
Une voix littéraire distincte
Les romans publiés sous le nom de Bachman, dont Running Man, présentent généralement un ton plus sombre et plus cynique que les œuvres signées King. Ils abordent souvent des thèmes sociopolitiques avec une approche plus directe et moins surnaturelle. Cette différence stylistique a amené certains critiques à considérer les œuvres de Bachman comme une expression plus brute et plus directe de la vision du monde de King.
Running Man, écrit en seulement une semaine, illustre parfaitement cette voix bachmanienne : un style concis, percutant, qui va droit au but sans les détours parfois présents dans les romans plus volumineux de King. Cette efficacité narrative contribue à l’impact du message politique du roman.
Les idées politiques de Stephen King reflétées dans « The Running Man »
Une critique acerbe du capitalisme tardif
Running Man peut être lu comme une critique virulente du capitalisme dans sa forme la plus débridée. Le système économique dépeint par King est un capitalisme poussé à l’extrême, où tout, y compris la vie humaine, est marchandisé. Les jeux télévisés mortels ne sont que l’expression ultime d’une logique de marché qui transforme tout en spectacle et en opportunité de profit.
Cette critique économique s’inscrit dans une tradition littéraire dystopique qui comprend des œuvres comme 1984 de George Orwell ou Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Cependant, King y apporte sa touche personnelle en ancrant cette critique dans un cadre américain reconnaissable et en utilisant les codes de la culture populaire pour délivrer son message.
La méfiance envers les élites et les structures de pouvoir
L’œuvre de King a souvent exprimé une méfiance instinctive envers les élites et les institutions. Dans The Running Man, cette méfiance atteint son paroxysme avec la représentation d’une classe dirigeante qui utilise consciemment le divertissement comme outil de contrôle social. Le Building des Jeux, « le plus haut de tous les gratte-ciels », symbolise ce pouvoir écrasant et distant.
Cette vision des élites comme fondamentalement corrompues et manipulatrices reflète certaines positions politiques de King, qui s’est toujours montré critique envers les concentrations de pouvoir, qu’elles soient économiques, médiatiques ou gouvernementales.
L’aliénation et la division comme stratégies de contrôle
King montre comment la division de la société en groupes antagonistes (riches/pauvres, nord/sud de la ville) sert les intérêts des puissants. Dans The Running Man, cette division est littéralement inscrite dans la géographie urbaine, avec le canal séparant Co-op City du reste de la ville.
Cette analyse des mécanismes de division sociale comme stratégie de maintien du pouvoir fait écho à des analyses politiques de gauche, tradition dans laquelle King s’est souvent reconnu. En exposant ces mécanismes, l’auteur invite ses lecteurs à une prise de conscience politique qui dépasse le simple divertissement.
Autres romans dystopiques de Stephen King en résonance avec « The Running Man »
« Marche Ou Crève » (The Long Walk)
Également publié sous le pseudonyme de Richard Bachman, Marche ou Crève partage avec The Running Man une vision dystopique de la société du spectacle. Dans ce roman, cent adolescents participent à une marche sans fin où s’arrêter signifie la mort. Le dernier marcheur encore debout remporte le « Prix » – tout ce qu’il désire pour le reste de sa vie.
Comme dans Running Man, King explore la transformation de la souffrance humaine en divertissement de masse et la façon dont les systèmes oppressifs parviennent à obtenir la participation de leurs victimes. Les deux romans partagent également une fin ambiguë qui questionne la possibilité même d’échapper au système.
« Le Fléau » (The Stand)
Bien que moins directement centré sur la critique médiatique, Le Fléau développe une vision apocalyptique de la société américaine qui fait écho à certains thèmes de The Running Man. Après qu’une pandémie a décimé la population mondiale, les survivants se regroupent en deux communautés antagonistes, l’une démocratique, l’autre totalitaire.
Cette exploration des tendances totalitaires latentes dans la société américaine recoupe la critique politique présente dans The Running Man. Les deux œuvres expriment une inquiétude similaire quant à la fragilité des valeurs démocratiques face aux crises et aux manipulations.
« Dôme » (Under the Dome)
Publié bien plus tard dans la carrière de King, Dôme reprend certaines thématiques sociales et politiques déjà présentes dans The Running Man. L’histoire d’une petite ville soudainement coupée du monde par un dôme invisible permet à King d’explorer les dynamiques de pouvoir à l’échelle d’une microsociété.
Dôme partage avec The Running Man une analyse critique des médias et du pouvoir, ainsi qu’une attention particulière aux inégalités sociales et à leurs conséquences. Ce roman témoigne de la constance des préoccupations politiques de King tout au long de sa carrière.
L’héritage culturel et politique de « The Running Man »
Une influence majeure sur la littérature dystopique contemporaine
The Running Man a contribué à populariser le sous-genre de la dystopie dans la littérature grand public. Son influence se fait sentir dans de nombreuses œuvres contemporaines qui explorent des thématiques similaires, notamment la série Hunger Games de Suzanne Collins, qui reprend l’idée de jeux télévisés mortels comme métaphore du contrôle social.
La vision prémonitoire de King concernant l’évolution des médias et de la télé-réalité confère à The Running Man une place particulière dans le panthéon des œuvres dystopiques. Contrairement à d’autres classiques du genre qui imaginaient des futurs dominés par la répression directe, King a anticipé un avenir où le contrôle s’exercerait davantage par le divertissement et le consentement manufacturé.
Une adaptation cinématographique qui transforme le message
L’adaptation cinématographique de The Running Man (1987), avec Arnold Schwarzenegger dans le rôle principal, a considérablement modifié l’histoire et le ton du roman original. Le film, réalisé par Paul Michael Glaser, transforme la critique sociale acerbe de King en un spectacle d’action futuriste qui, ironiquement, reproduit certains des mécanismes que le livre dénonçait.
Cette différence entre le livre et son adaptation illustre parfaitement le propos de King : comment l’industrie du divertissement peut récupérer et neutraliser les critiques qui lui sont adressées. Le film, malgré ses qualités propres, offre une version édulcorée du message politique du roman.
Une pertinence renouvelée à l’ère des réseaux sociaux
Si The Running Man semblait prophétique dans les années 1980, il apparaît aujourd’hui plus pertinent que jamais. À l’ère des réseaux sociaux et de la surveillance généralisée, les mécanismes de contrôle social décrits par King trouvent de nouvelles expressions encore plus insidieuses.
La transformation des individus en « contenu » sur les plateformes numériques, la spectacularisation constante de la vie privée, l’économie de l’attention qui pousse à des comportements toujours plus extrêmes pour capter l’intérêt : tous ces phénomènes contemporains trouvent un écho troublant dans les pages de The Running Man.
Pourquoi « The Running Man » reste pertinent en 2025
Quarante-trois ans après sa publication, The Running Man continue de nous interpeller par sa vision glaçante d’une société où le divertissement est devenu un instrument de contrôle. À une époque où les émissions de télé-réalité sont devenues omniprésentes et où les plateformes numériques exploitent nos données personnelles, les avertissements de King résonnent avec une acuité renouvelée.
Le roman nous invite à questionner notre propre rapport aux médias et au divertissement. Sommes-nous, comme les habitants de Co-op City, hypnotisés par des écrans qui nous distraient de nos conditions réelles d’existence ? La frontière entre information et divertissement n’est-elle pas de plus en plus floue, brouillant notre perception des enjeux véritables ?
The Running Man nous rappelle également l’importance de la résistance individuelle face aux systèmes oppressifs. Bien que le parcours de Ben Richards soit tragique, sa rébellion contre un système inhumain porte en elle une forme d’espoir. King suggère que même dans les situations les plus désespérées, la conscience critique et l’action individuelle conservent leur valeur.
Running Man, un miroir tendu à notre société médiatique
The Running Man de Stephen King, publié sous le pseudonyme de Richard Bachman, demeure l’une des explorations les plus pertinentes de notre relation complexe avec les médias et le divertissement. À travers le prisme de la dystopie, King nous offre une critique acerbe d’une société où la frontière entre divertissement et contrôle social s’est dangereusement estompée.
Ce roman, écrit en seulement une semaine, témoigne de l’extraordinaire intuition de King concernant l’évolution de notre paysage médiatique. Alors que nous naviguons dans un monde saturé d’écrans et d’images, où notre attention est constamment sollicitée et monétisée, les avertissements de Running Man n’ont rien perdu de leur actualité.
En explorant les thèmes de l’inégalité sociale, de la manipulation médiatique et de la résistance individuelle, King nous propose non seulement un récit captivant, mais aussi une invitation à la vigilance critique. Dans une société où le spectacle est omniprésent, Running Man nous rappelle l’importance de rester maîtres de nos écrans plutôt que de les laisser nous contrôler.
Running Man, dystopie visionnaire signée Stephen King sous le pseudonyme de Richard Bachman, continue ainsi de nous alerter sur les dangers d’une société où le divertissement devient un instrument de contrôle, et où la condition humaine elle-même est réduite à un spectacle consommable.
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— Richard Backman
RUNNING MAN
Il y a un siècle, le monde a sombré dans le chaos. Une épidémie, dont l’origine ne fut jamais identifiée, a transformé l’homme en mutant et réduit la civilisation à néant. Les derniers représentants de l’humanité vivent en colonie, luttant jour après jour pour survivre. Surgie de nulle part, une jeune fille vient à leur rencontre. Elle semble avoir 14 ans.






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