L’épisode 4 de The Last of Us marque un tournant significatif dans la progression narrative de la série, offrant aux spectateurs un regard approfondi sur la relation naissante entre Joel et Ellie. Après l’émouvante parenthèse consacrée à Bill et Frank dans l’épisode 3, la série recentre son objectif sur notre duo principal, explorant les dynamiques complexes de leur relation tout en les confrontant à de nouveaux dangers. Cet épisode, plus court mais non moins intense, nous plonge dans un road trip qui va transformer profondément le lien entre ces deux personnages que tout semble opposer.
Un retour aux sources post-apocalyptiques
L’épisode 4, intitulé « Please Hold My Hand », reprend le fil narratif avec Joel et Ellie qui ont quitté la propriété de Bill. Ils voyagent désormais en voiture, moment propice aux échanges qui structurent cette nouvelle étape de leur périple. Le trajet est ponctué de moments d’apprentissage : Joel montre à Ellie comment siphonner de l’essence et lui fait découvrir l’odeur caractéristique du café, expériences nouvelles pour cette adolescente née après l’effondrement. Cette routine apparemment paisible est brutalement interrompue lorsqu’ils tombent dans une embuscade aux abords de Kansas City, remplaçant Pittsburgh du jeu original.
La confrontation qui s’ensuit marque un tournant crucial : Ellie utilise l’arme dérobée chez Bill pour sauver Joel d’un assaillant, blessant ce dernier sans le tuer. C’est Joel qui achèvera l’homme, moment déterminant qui réoriente leur dynamique. L’épisode introduit également Kathleen, personnage absent du jeu vidéo, qui dirige un groupe de rebelles ayant renversé la FEDRA à Kansas City et cherche vengeance pour la mort de son frère.
Forcés de se cacher, Joel et Ellie se réfugient dans un immeuble abandonné où ils passent la nuit. C’est dans ce contexte d’intimité forcée que leur relation évolue significativement, avant que l’épisode ne se termine sur un cliffhanger : deux personnes les tiennent en joue pendant leur sommeil – Henry et Sam, que nous découvrirons davantage dans l’épisode suivant.

La continuité narrative : ponts entre les épisodes
L’ombre de Bill et Frank
Contrairement à l’épisode 3 qui explorait une histoire d’amour périphérique mais fondamentale, l’épisode 4 revient à la colonne vertébrale narrative de The Last of Us. Cette transition n’est pas anodine : après avoir été témoins d’une relation profonde entre Bill et Frank, nous observons maintenant la naissance d’un lien tout aussi significatif mais de nature différente entre Joel et Ellie.
La leçon implicite de l’épisode précédent – que les connexions humaines restent essentielles même dans un monde dévasté – trouve sa continuité dans cet épisode 4. Joel, qui a perdu sa fille et s’est endurci pour survivre, commence imperceptiblement à s’ouvrir à Ellie, rappelant les thèmes de renaissance émotionnelle explorés avec Bill.
L’évolution psychologique des protagonistes
Si les premiers épisodes mettaient en place le cadre apocalyptique et les enjeux de la mission, l’épisode 4 approfondit la psychologie des personnages. Joel se livre davantage sur son passé, notamment au sujet de son frère Tommy, révélant des éléments qui n’arrivent que plus tard dans le jeu. Ces confessions, bien que parcimonieuses, témoignent d’une évolution significative dans sa volonté de partager avec Ellie.
Les dimensions philosophiques de l’épisode 4
L’humanité à l’épreuve de la catastrophe
L’épisode 4 questionne fondamentalement ce qui reste d’humanité dans un monde où la civilisation s’est effondrée. La ville de Kansas City, libérée du joug militaire mais sous contrôle d’une faction vengeresse, illustre parfaitement comment les structures de pouvoir se reforment après l’effondrement, souvent guidées par des principes moraux ambigus.
La vengeance personnelle de Kathleen, qui justifie une chasse à l’homme impitoyable, interroge : une cause peut-elle être juste quand elle engendre autant de violence ? Sa détermination à retrouver Henry, qu’elle tient responsable de la mort de son frère, reflète une justice devenue personnelle et subjective dans un monde sans tribunaux officiels.

La confiance comme luxe post-apocalyptique
La méfiance initiale de Joel envers Ellie, qui s’estompe progressivement, met en lumière une question philosophique centrale : peut-on se permettre de faire confiance dans un monde où chaque rencontre peut être fatale ? L’épisode démontre par l’embuscade que la prudence de Joel est justifiée, mais suggère également que l’isolement émotionnel total n’est pas viable à long terme.
Survie et désespérance : les deux faces d’une même pièce
La brutalité comme nécessité
L’épisode ne recule pas devant la représentation d’une violence nécessaire à la survie. Joel, lorsqu’il achève l’assaillant blessé par Ellie, démontre une cruauté pragmatique forgée par des années dans ce monde impitoyable. Cette scène contraste avec le malaise d’Ellie, témoin direct des conséquences de ses actes, et pose la question : à quel point la brutalité transforme-t-elle l’individu qui la pratique ?
L’espoir malgré tout
Paradoxalement, c’est au cœur de cette violence que naît un espoir ténu. La relation qui se construit entre Joel et Ellie représente une forme de résistance à la déshumanisation ambiante. Leurs échanges, qu’il s’agisse des blagues d’Ellie ou des rares moments où Joel partage son expérience, constituent des bulles d’humanité dans un univers désespéré[5].
Les choix cornéliens de Joel
L’héritage d’un passé trouble
L’un des moments les plus révélateurs de l’épisode survient lorsque Joel admet avoir été « des deux côtés » lors d’embuscades similaires à celle qu’ils viennent de subir. Cette confession partielle dévoile un Joel qui a commis des actes répréhensibles pour survivre, soulevant des questions sur l’homme qu’il était avant de rencontrer Ellie.
La protection contre l’autonomie
Joel se trouve constamment tiraillé entre son instinct de protection envers Ellie et la nécessité de lui apprendre à survivre par elle-même. L’épisode montre cette dualité : il lui explique comment siphonner de l’essence (lui donnant des outils pour l’autonomie) mais s’efforce de la tenir éloignée de la violence directe, même après qu’elle ait tiré sur un homme.
La métamorphose d’une relation
Du fardeau à la complicité
Au début de leur périple, Ellie représentait pour Joel un simple « colis » à livrer. Dans cet épisode 4, nous assistons à une transformation subtile mais significative : les blagues qu’Ellie lit à Joel dans la voiture, initialement accueillies avec indifférence, finissent par provoquer un sourire, symbolisant l’émergence d’une complicité naissante.
La protection mutuelle
Si Joel demeure le protecteur principal, l’épisode démontre qu’Ellie est désormais capable de lui sauver la vie, établissant une réciprocité dans leur relation. Cette scène pivot, où elle tire sur l’assaillant, marque une évolution majeure : Joel ne peut plus simplement la considérer comme une enfant à protéger, mais comme une partenaire de survie.

Échos narratifs : Joel en perspective
Les figures paternelles post-apocalyptiques
La relation entre Joel et Ellie s’inscrit dans une lignée de duos père/enfant (biologique ou de substitution) dans les récits post-apocalyptiques. On peut y voir des parallèles avec Cormac McCarthy dans « La Route« , où un père protège son fils dans un monde dévasté, ou avec des œuvres comme « Walking Dead » où des figures paternelles émergent face à des enfants vulnérables dans un monde hostile.
La rédemption par la protection
Le parcours de Joel s’apparente à une quête de rédemption implicite. Ayant échoué à protéger sa propre fille dans le prologue de la série, il trouve en Ellie une seconde chance – thème récurrent dans les récits de ce genre. L’épisode 4 marque une étape importante dans cette trajectoire, Joel commençant à voir en Ellie plus qu’une simple mission.
La morale à l’épreuve de l’apocalypse
Le premier meurtre : une innocence perdue ?
La séquence où Ellie tire sur l’assaillant représente un moment charnière dans son développement. Joel, pensant qu’il s’agit de sa première expérience violente, tente de la réconforter, mais Ellie lui révèle que ce n’est pas le cas. Cette révélation soulève des questions sur son passé et sur le prix psychologique de la survie pour les plus jeunes dans ce monde.
Les justifications de la violence
L’épisode juxtapose différentes approches de la violence justifiée : celle de Joel (pragmatique, pour la survie immédiate), celle de Kathleen (vengeresse, motivée par le deuil), et celle d’Ellie (instinctive, pour protéger autrui). Cette multiplicité des perspectives invite le spectateur à réfléchir sur ses propres limites morales dans des circonstances extrêmes.
Un tournant décisif dans The Last of Us
L’épisode 4 de The Last of Us représente bien plus qu’une simple transition narrative – il constitue le véritable point de bascule dans la relation entre Joel et Ellie. À travers leurs épreuves partagées et leurs moments d’intimité forcée, nous voyons se dessiner les contours d’un lien qui transcende leur arrangement initial.
L’introduction de nouveaux antagonistes et le cliffhanger final avec Henry et Sam préparent le terrain pour de nouveaux défis, mais c’est l’évolution psychologique de nos protagonistes qui donne sa véritable profondeur à cet épisode. Au-delà de l’action et des dangers, « Please Hold My Hand » nous rappelle que même dans les circonstances les plus désespérées, la capacité humaine à former des connexions significatives persiste – peut-être notre plus puissant mécanisme de survie dans The Last of Us.





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