L’ultime épisode de la première saison de The Last of Us nous offre un final aussi intense qu’émotionnellement dévastateur. Cette adaptation du jeu vidéo culte de Naughty Dog conclut son premier chapitre télévisuel avec une fidélité remarquable au matériau d’origine, tout en apportant des nuances et des profondeurs supplémentaires qui enrichissent l’œuvre. Entre dilemmes moraux, violence nécessaire et choix impossibles, ce final questionne nos valeurs les plus fondamentales.
Un dernier voyage aux frontières de l’humanité
L’épisode 9 s’ouvre sur un flashback saisissant qui nous plonge dans les origines d’Ellie. On y découvre sa mère, Anna, enceinte et poursuivie par une infectée. Après s’être réfugiée dans une maison, elle est attaquée et parvient à tuer son assaillante, mais pas avant d’avoir été mordue. Fait troublant, Ellie naît exactement au moment où sa mère est infectée. Anna coupe rapidement le cordon ombilical, incertaine d’avoir agi assez vite pour protéger son enfant de l’infection. Cette scène fondatrice est d’autant plus symbolique que le personnage d’Anna est interprété par Ashley Johnson, l’actrice qui prêtait sa voix à Ellie dans les jeux vidéo.

De retour dans le présent, Joel et Ellie arrivent enfin à Salt Lake City, où se trouve le laboratoire des Lucioles. Sur leur route, ils découvrent un groupe de girafes évoluant librement dans une nature qui a repris ses droits. Ce moment de légèreté et d’émerveillement permet aux deux protagonistes de s’ouvrir l’un à l’autre comme jamais auparavant. On assiste à une véritable scène père-fille, où Joel confie même avoir tenté de se suicider après la mort de Sarah.

Leur périple prend une tournure dramatique lorsqu’ils sont capturés par les Lucioles. À son réveil, Joel apprend par Marlène qu’Ellie est sur la table d’opération : le chirurgien doit extraire le cordyceps de son cerveau pour créer un vaccin, procédure qui entraînera inévitablement sa mort. Face à ce choix impossible, Joel décide de sauver Ellie au détriment de l’humanité entière. Il massacre le camp des Lucioles, tue le chirurgien et emporte Ellie inconsciente.

La série se conclut sur un mensonge dévastateur : Joel fait croire à Ellie qu’il y avait d’autres personnes immunisées et que les Lucioles ont abandonné l’idée de créer un vaccin. Ce final ambigu laisse les spectateurs avec un goût amer et des questions sans réponses.
La construction d’une relation père-fille à travers l’apocalypse
Une évolution émotionnelle palpable
L’épisode 9 marque l’aboutissement d’une transformation relationnelle profonde. Au début de la série, Joel considérait Ellie comme une simple « marchandise » à livrer. Désormais, il la voit véritablement comme sa fille. Cette évolution se manifeste à travers des moments d’intimité émotionnelle inédits, comme lorsque Joel se confie sur sa tentative de suicide après la mort de Sarah.
Des parallèles visuels saisissants
La mise en scène établit des parallèles visuels frappants entre l’épisode 1 et ce final. Notamment les plans où Joel porte Ellie inconsciente dans ses bras, qui font directement écho à ceux où il portait Sarah mourante. Cette symétrie visuelle renforce la notion que Joel a enfin trouvé une seconde chance d’être père, et qu’il ne laissera rien ni personne lui arracher cette nouvelle fille.
Un mensonge comme protection ultime
Le mensonge final de Joel représente sa façon de protéger Ellie, non seulement physiquement mais aussi psychologiquement. Comme l’explique Neil Druckmann, co-créateur du jeu : « Joel joue tout sur ce mensonge. Comme un parent, il pense qu’il doit mentir pour protéger l’enfant ». Cette dynamique protectrice, quoique moralement ambiguë, illustre parfaitement la profondeur du lien qui unit désormais les deux personnages.
Les dilemmes moraux au cœur de la narration
L’individu face au collectif : un choix impossible
L’épisode final pose frontalement la question suivante : que vaut une vie face à la possibilité de sauver l’humanité ? Marlène place Joel devant ce dilemme cornélien : sacrifier Ellie ou condamner le monde à continuer de souffrir de l’infection du cordyceps. Cette question philosophique fondamentale ne reçoit pas de réponse claire, mais la décision de Joel illustre une vision où les liens personnels priment sur le bien collectif abstrait.
La violence comme expression d’amour
La séquence de massacre dans l’hôpital est particulièrement révélatrice. Comme l’explique Neil Druckmann, Joel « a éteint la partie de son cerveau qui voit les autres comme des humains. Ils ne sont plus que des obstacles entre lui et Ellie ». Cette déshumanisation temporaire des ennemis transforme Joel en machine à tuer, mais paradoxalement, cette violence extrême est motivée par l’amour inconditionnel qu’il porte à Ellie.
La culpabilité du survivant
Ellie souffre profondément de la « culpabilité du survivant ». Elle doit donner un sens à sa propre survie alors que tant de ses proches sont morts : Riley, Tess, Sam, et maintenant sa mère Anna. Sa déception face au mensonge de Joel révèle combien il était important pour elle de donner un sens à son immunité, de transformer sa condition exceptionnelle en quelque chose d’utile pour l’humanité.
Une mise en scène au service de l’émotion
La séquence de l’hôpital : tension et détermination implacable
La scène de fusillade dans l’hôpital est construite pour maximiser l’impact émotionnel. Contrairement à d’autres séries post-apocalyptiques, la violence n’y est pas glorifiée mais présentée comme nécessaire et tragique. Pedro Pascal interprète magistralement cette détermination froide de Joel, communiquant non pas par des dialogues mais par son regard et sa posture la résolution inébranlable d’un père prêt à tout pour sauver son enfant.
Des caméos significatifs
Les fans attentifs auront remarqué des caméos importants dans cet épisode. Non seulement Ashley Johnson incarne la mère d’Ellie, mais Laura Bailey, l’actrice qui prête sa voix au personnage d’Abby dans The Last of Us Part II, apparaît comme infirmière dans la salle d’opération. Ces choix de casting créent un pont symbolique entre le jeu et la série, tout en préfigurant potentiellement les développements futurs.
La scène des girafes : une respiration visuelle
La séquence où Ellie et Joel observent les girafes offre une rare pause visuelle dans cet univers post-apocalyptique. Cette scène, fidèlement adaptée du jeu, symbolise la possibilité d’une beauté et d’une innocence préservées malgré le chaos environnant. Elle sert également de contraste saisissant avec la violence qui suivra, rendant celle-ci d’autant plus choquante.
Marlène : le visage de l’utilitarisme moral
Une figure complexe au-delà du simple antagonisme
Marlène n’est pas présentée comme une simple antagoniste, mais comme un personnage moralement complexe. Son lien avec la mère d’Ellie et son respect de la promesse faite à Anna ajoutent une profondeur considérable à ses motivations. Elle n’agit pas par cruauté mais par conviction profonde que le sacrifice d’une personne est justifié si cela peut sauver l’humanité entière.
Un miroir moral pour Joel
Marlène fonctionne comme un miroir moral pour Joel. Comme lui, elle a pris des décisions difficiles, comme accepter de tuer Anna à sa demande. Toutefois, contrairement à Joel, elle place le bien collectif au-dessus des liens personnels. Leur confrontation finale représente donc l’affrontement de deux visions éthiques opposées mais également défendables.
L’échec du rationalisme face à l’émotion
Malgré ses arguments rationnels et sa tentative de faire appel à la conscience de Joel, Marlène échoue à le convaincre. Cette défaite illustre comment, dans des situations extrêmes, les décisions humaines sont souvent guidées par l’émotion plutôt que par la raison froide, pour le meilleur et pour le pire.
La symbiose Joel-Ellie : une relation qui transcende l’apocalypse
Une guérison mutuelle à travers le chaos
Joel et Ellie se guérissent mutuellement tout au long de la série. Joel parvient enfin à dépasser quelque peu son deuil grâce à Ellie, comme il le lui confie indirectement. De son côté, Ellie trouve en Joel une figure paternelle stable dans un monde chaotique. Cette relation symbiotique montre comment les liens humains peuvent persister et même se renforcer dans les conditions les plus adverses.
L’opposition des visions du monde
Un aspect fascinant de leur dynamique réside dans l’opposition de leurs visions : « Joel souhaite se renfermer sur le noyau qu’ils forment désormais tandis qu’Ellie souhaite justement s’ouvrir au monde ». Cette tension entre repli protecteur et ouverture risquée structure leur relation et annonce potentiellement des conflits futurs.
Le choix « le plus simple »
Selon Neil Druckmann, le choix de Joel de sauver Ellie au détriment de l’humanité est « le choix le plus simple qu’il ait jamais fait ». Cette affirmation révèle combien les priorités de Joel ont changé au fil de la série, passant du survivant isolé au père prêt à tout pour protéger sa fille.
Une conclusion ouverte aux multiples interprétations
L’épisode 9 de The Last of Us ne fournit pas de réponses faciles. Il nous laisse au contraire avec des questions morales complexes sur la valeur d’une vie individuelle face au bien collectif, sur la justification de la violence, et sur les limites de la protection parentale. Le mensonge final de Joel, que le spectateur sait être faux mais qu’Ellie semble questionner sans le confronter directement, ouvre la voie à des développements psychologiques riches pour la saison 2.
La série réussit le tour de force d’adapter fidèlement l’un des moments les plus controversés du jeu vidéo original tout en l’enrichissant de nuances supplémentaires. Ce final bouleversant confirme The Last of Us comme l’une des adaptations vidéoludiques les plus réussies à ce jour, transcendant son medium d’origine pour proposer une réflexion universelle sur l’amour, la perte et les choix impossibles.
En conclusion, l’épisode 9 de The Last of Us ne se contente pas de clore la première saison : il pose les fondations émotionnelles et narratives pour la suite, tout en offrant une réflexion profonde sur ce qui nous définit en tant qu’humains face à l’adversité. Joel et Ellie, à travers leur voyage physique et émotionnel, nous montrent que même dans un monde dévasté, c’est notre capacité à nous attacher et à nous sacrifier pour ceux que nous aimons qui constitue notre humanité la plus essentielle.
The Last of Us conclut sa première saison avec un épisode qui marquera durablement l’histoire des séries télévisées, tant par sa puissance émotionnelle que par les questions éthiques qu’il soulève.





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